L’efficacité et la transition énergétique dépendent d’abord de l’initiative locale

Autres Publié le 27 avril 2018

Retrouvez la Tribune parue dans le Monde, dont je suis signataire aux côtés d’Anne Hildago, Alain Juppé et plusieurs élu-es de France. Ensemble, nous demandons un meilleur partage des moyens alloués à la politique énergétique et notamment une gouvernance plus décentralisée.

Alors que s’ouvre le débat public pour la programmation pluriannuelle de l’énergie et que la Commission européenne va publier sa feuille de route « Climat et Energie EU 2025 », nous appelons au fléchage vers les collectivités d’une partie de la hausse de la contribution climat énergie et à l’adoption d’une loi d’orientation pour la décentralisation de la politique énergétique. L’efficacité de notre action, son acceptation sociale et la cohésion des territoires en dépendent.

En 2015, l’accord de Paris et la loi pour la transition énergétique nous ont donné le chemin à suivre pour limiter la hausse des températures à moins de 2 °C et, dans l’idéal, à moins d’1,5 °C d’ici à 2100. L’atteinte de ces objectifs dépend très largement des politiques territoriales.

Or, en matière de politique énergétique, l’essentiel des leviers reste aux mains de l’Etat ou d’opérateurs nationaux en situation de monopole. Pourtant, sur le terrain, tout démontre que l’approche technique et centralisée a atteint ses limites : les infrastructures de production d’énergies renouvelables peinent à se mettre en place, les rénovations énergétiques ambitieuses sont rares et le véhicule individuel, avec moins de deux personnes à bord, reste le mode de déplacement dominant. Pour y remédier, il faut faire évoluer la gouvernance du système énergétique vers davantage de décentralisation et de démocratie locale.

Le fléchage vers les collectivités d’une partie de la hausse de la contribution climat énergie, défendue aujourd’hui par la plupart des associations de collectivités, des ONG et des fédérations professionnelles, est indispensable. La mise en œuvre de l’accord de Paris à l’échelle de chaque territoire doit mobiliser près de 300 euros par habitant et par an. Affecter 5 % des 8 milliards de recettes de la contribution climat pour déclencher cette économie verte est donc essentiel pour que la France mette en œuvre ces engagements internationaux dans tous les territoires d’ici à la fin du mandat présidentiel.

UN PROJET DE SOCIÉTÉ
Il ne s’agit pas pour nous d’ouvrir un débat sur l’échelon territorial pertinent pour décentraliser cette politique. Le territoire de la transition énergétique est celui que s’approprie une communauté de parties prenantes : citoyens, élus, usagers, techniciens, entrepreneurs, agriculteurs, financeurs… L’atteinte des objectifs d’efficacité énergétique et de production d’énergies renouvelables dépend d’abord d’une capacité locale d’initiatives, d’organisation et de partenariats. Dans cette équation, chaque niveau de collectivité a son rôle à jouer.

Nous sommes aujourd’hui en capacité d’avoir un système énergétique décentralisé compétitif, cohérent et créateur de richesses. Les incitations venues d’en haut seront sans effet tant que ses bénéfices locaux ne seront pas supérieurs à ceux de l’inaction. La création de richesse varie de un à trois en fonction de l’association des territoires et de ses habitants à un projet de production d’énergies renouvelables.

Nous devons engager cette décentralisation, car la transition énergétique est un projet de société qui touche à nos modes de vie, à nos comportements, à nos valeurs. Ce n’est pas la contrainte, mais le dialogue et la coopération qui permettront de construire une autre façon de vivre. Comme nous le montre le très beau documentaire Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, c’est localement que se construisent les nouvelles représentations du progrès et les solidarités par la conciliation des intérêts. Décentraliser, c’est démocratiser les enjeux majeurs de l’énergie et du climat et responsabiliser les acteurs du territoire, c’est aussi créer davantage de réciprocité et de solidarité entre urbains et ruraux. En plus de nourrir la population, le monde rural aura un rôle-clé pour la production d’énergies renouvelables pour tous.

Une telle évolution ne nous mènerait pas à l’autarcie. Elle en serait même l’opposé, puisque décentraliser, c’est développer les interconnexions et les échanges entre territoires. Il faut préserver les acquis, en particulier de solidarité et de mutualisation, et leur donner un avenir dans un système où l’enjeu n’est plus de produire le plus possible et d’équiper le territoire national de façon homogène, mais de consommer moins et de mieux valoriser les ressources locales.

Ce projet, nous voulons le porter en concertation avec le gouvernement et le Parlement, dans le cadre de l’écriture d’une loi d’orientation pour la décentralisation de la politique énergétique.

Nous avons engagé ce travail par la création d’une coalition d’associations et de territoires dont la vision décentralisatrice repose sur cinq lignes forces : la création de nouveaux partenariats pour plus de solidarité entre territoires ; l’association de la société civile ; une implication plus forte des autorités concédantes dans le pilotage des réseaux de distribution ; la création d’un service public local de la donnée ; la création de nouveaux outils de financement d’une transition énergétique décentralisée. Nous voulons le poursuivre avec toutes les autres parties prenantes à travers une plateforme que nous publierons lors de la conférence annuelle d’Energy Cities, du 18 au 20 avril, à Rennes.

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Les signataires de la tribune, à l’initiative d’Anne Hidalgo, maire de Paris, et d’Alain Juppé, maire de Bordeaux : Régis Banquet, maire d’Alzonne (Aude) et président de Carcassonne Agglo ; Vanik Berberian, maire de Gargilesse-Dampierre (Indre), président de l’Association des maires ruraux de France ; Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais) ; Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole (Ille-et-Vilaine) ; Claude Ferrer, maire de Prats-de-Mollo-la-Preste (Pyrénées-Orientales) ; Dominique Gros, maire de Metz (Moselle) ; Robert Herrmann, président de l’Eurométropole de Strasbourg (Bas-Rhin) ; Anne Hidalgo, maire de Paris, première vice-présidente de la Métropole du Grand Paris ; Alain Juppé, maire de Bordeaux (Gironde), président de Bordeaux Métropole ; Michel Maya, maire de Tramayes (Saône-et-Loire) ; Jean-Claude Mensch, maire d’Ungersheim (Haut-Rhin) ; Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse (Haute-Garonne), président de France urbaine ; Jean-François Muguay, maire de La Souterraine (Creuse) ; Eric Piolle, maire de Grenoble (Isère) ; Philippe Rapeneau, président de la Communauté urbaine d’Arras (Pas-de-Calais) ; François Rebsamen,maire de Dijon (Côte-d’Or), président de Dijon Métropole ; Roland Ries, maire de Strasbourg (Bas-Rhin) ; Johanna Rolland, maire de Nantes (Loire-Atlantique), présidente de Nantes Métropole ; Gilles Vincent,maire de Saint-Mandrier-sur-Mer (Var), président du réseau Amorce. Pour les réseaux : Pierre Perbos, président de Réseau Action Climat ; Pr Dr Eckart Würzner, président d’Energy Cities ; Sandrine Buresi et Marie-Laure Lamy, coprésidentes du CLER – Réseau pour la transition énergétique.

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